mañana <…>
mai 2022 NUM2RO 0 – A comme Archiloque
<Regarde cette échine d’âne ! C’est l’île, oui, avec sa houppe d’arbres.>
Archiloque, Trimètres (fragment 17, traduction CH)
édito :
nostalgie
la nostalgie est un état
albanie
l’albanie est un état
et le reste
le reste est le reste
(wittgenstein n’a pas déjà dit ça point d’interrogation)
sommaire
AC /// édito
C HENRI /// exercices de respiration (extraits) /// AC / CH interview-minute
J ARDIÈ /// poème 1
P DARIEN /// île /// AC / PD interview-minute
J ARDIÈ /// poème 2
A SAUVAGE /// la misère et l’aventure /// AC / AS entretien
3773 /// polar (extrait)
exercices de respiration (extraits) 2022
enflent enflent · · · enflent · · · les cigales · · · enflent enflent enflent · · · enflent · · · enflent · · · enflent enflent · · · les cigales · · · enflent enflent enflent enflent · · · · · · · · · enflent enflent enflent enflent · · · · · · enflent · · · · · · les cigales · · · enflent · · · enflent enflent enflent enflent enflent enflent · · · enflent · · · · · · les cigales · · · enflent enflent enflent · · · les cigales · · · enflent · · · les cigales · · · enflent enflent · · · enflent · · · les cigales · · · enflent · · · les cigales · · · enflent enflent enflent · · · enflent · · · les cigales · · · enflent · · · enflent · · · les cigales · · · enflent enflent enflent · · · enflent · · · les cigales · · · enflent · · · les cigales · · · enflent · · · enflent enflent enflent enflent · · · · · · · · · · · · · · · · · · enflent · · · les cigales · · · · · · · · · · · · · · · enflent · · · · · · · · · · · · · · · les ciga · · · · · · les · · · · · · · · · · · · enflent · · · · · · · · · · · · enflent enflent · · · enflent · · · les · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · enflent les · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · cigales · · · · · · · · · · · · · · · · · · les · · · ci · · · · · · · · · · · · · · · · · · enflent enflent enflent enf · · · · · · · · · les cigales · · · · · · enflent · · · enflent · · · les cigales · · · enflent enflent enflent enflent enflent enflent
elles emplissent l’espace l’espace est emplit elles emplissent l’espace l’espace est emplit elles emplissent l’espace l’espace est emplit elles emplissent l’espace l’espace est emplit elles emplissent l’espace l’espace est emplit elles emplissent l’espace l’espace est emplit
elles emplissent le temps le temps est emplit elles emplissent le temps le temps est emplit elles emplissent le temps le temps est emplit elles emplissent le temps le temps est emplit elles emplissent le temps le temps est emplit elles emplissent le temps le temps est emplit
leur son emplit l’espace il enfle leur son emplit l’espace il enfle leur son emplit l’espace il enfle leur son emplit l’espace il enfle leur son emplit l’espace il enfle l’espace est emplit de leur son il enfle l’espace est emplit de leur son il enfle l’espace est emplit de leur son il enfle l’espace est emplit de leur son il enfle l’espace a enflé l’espace a désenflé l’espace a enflé l’espace a désenflé l’espace a enflé l’espace a désenflé l’espace a enflé l’espace a désenflé
[…]
leur son est un chant il sourd leur chant est un son il sourd leur son est un chant il sourd leur chant est un son il sourd leur son est un chant il sourd leur chant est un son il sourd leur son est un chant il sourd leur chant est un son il sourd leur son est un chant il sourd leur chant est un son il sourd
[…]
des cigales des oiseaux des cigales des oiseaux des cigales des oiseaux des cigales des oiseaux des arbres des oiseaux des arbres des oiseaux des cigales des oiseaux des arbres des oiseaux des arbres des cigales des arbres des oiseaux des arbres des cigales des arbres des oiseaux des pierres des oiseaux des cigales des oiseaux des pierres des oiseaux des arbres des oiseaux des pierres des oiseaux des pierres des cigales des arbres des oiseaux des arbres des cigales des pierres des oiseaux des cigales des oiseaux des cigales des arbres des arbres des oiseaux
[…]
l’essence des cigales est la cymbalisation les cigales cymbalisent
l’espace le silence l’espace le silence l’espace le silence l’espace le silence l’espace le silence l’espace le silence l’espace le silence l’espace le silence l’espace le silence l’espace le silence l’espace le silence l’espace le silence l’espace le silence l’espace le silence l’espace le silence l’espace le silence l’espace le silence
le son
il faut respirer il faut inspirer il faut expirer dans l’inspiration il faut absorber il faut s’emplir il faut contraindre l’air à entrer à pénétrer dans les poumons à oxygéner le sang et partir depuis le cœur jusqu’aux artères et aux veines aux veinules aux radicelles qui sont à toutes les extrémités de notre corps et revenir puissamment vers le cœur et battre à nouveau et dans l’expiration il faut rejeter l’air à l’extérieur des poumons l’expulser le forcer à sortir se vider se dégager
[…]
moduler souffler moduler siffler moduler souffler moduler siffler moduler souffler moduler siffler moduler souffler moduler siffler moduler souffler moduler siffler moduler souffler moduler siffler moduler souffler moduler siffler moduler souffler moduler siffler moduler souffler moduler siffler moduler souffler moduler siffler moduler souffler moduler siffler moduler souffler moduler siffler
dans le ciel est le son
la cigale-signe
l’arbre
la cigale-son
dans le ciel est le son
l’herbe
verte
la cigale est le signe
bleue
dans le ciel est le son
bleu
la cigale est le signe
la cigale
-cygne
dans le ciel est le son
vert
dans le son est le signe
bleu
dans le vert est le son
la cigale-signe
son
la cigale est le son
vert
dans l’herbe est le son-
signe
la cigale est le vert
son
la cigale fait signe
vers
dans le ciel est le son
CYGNE
etc.
l’été le feu l’hiver la terre l’été le feu l’hiver la terre l’été le feu l’hiver la terre l’été le feu l’hiver la terre l’été le feu l’hiver la terre l’été le feu l’hiver la terre le feu l’hiver la terre l’été le feu l’hiver la terre l’été le feu
[…]
il faut inspirer il faut expirer il faut expirer il faut inspirer il faut respirer le son se forme dans les poumons il faut inspirer il faut expirer il faut expirer il faut inspirer il faut respirer le son est de l’air rejeté il faut respirer le son est de l’air frappé il faut respirer le son est de l’air mêlé il faut respirer le son est de l’air mêlé à l’air des poumons il est de l’air mêlé au son il faut respirer le son est de l’air coloré il faut respirer il faut inspirer il faut expirer il faut expirer il faut inspirer il faut extirper il faut extirper le son l’ôter il faut produire le mouvement par lequel le son est formé-rejeté il faut frotter la membrane du son aile à aile il faut inspirer il faut expirer il faut expirer il faut inspirer il faut respirer il faut il faut prendre une grande inspiration et rejeter le son il faut expirer il faut rendre l’inspiration à son expiration il faut extirper il faut inspirer il faut expirer il faut expirer il faut inspirer il faut respirer il faut respirer le son à pleins poumons s’ouvrir laisser entrer il faut aspirer il faut produire un son il faut aspirer il faut réduire il faut aspirer il faut produire il faut aspirer il faut réduire il faut aspirer il faut réduire l’air à n’être plus qu’un son il faut aspirer il faut affûter la membrane du poumon et feuler l’air il faut étaler il faut étaler le son depuis l’intérieur jusqu’à l’extérieur il faut le dérouler il faut il faut inspirer il faut expirer il faut expirer il faut inspirer il faut respirer il faut inspirer il faut expirer il faut expirer il faut inspirer il faut respirer il faut inspirer il faut expirer il faut expirer il faut inspirer il faut respirer il faut expirer il faut inspirer il faut inspirer il faut expirer il faut expirer il faut inspirer il faut inspirer il faut expirer il faut expirer il faut inspirer il faut inspirer il faut expirer il faut expirer il faut inspirer il faut inspirer il faut expirer il faut
il faut se saisir de l’inspiration il faut respirer il faut se saisir de l’inspiration il faut respirer il faut se saisir de l’inspiration il faut respirer
AC / CH interview-minute
AC Bonjour Claude. Tout d’abord, je suis très heureux, nous sommes très heureux, de t’accueillir dans la revue, d’ouvrir ce numéro 0 de BNE par des extraits d’exercices. Je suis frappé, tout d’abord, par cet aspect de répétition, de variation, de mantra, en fait. Ce sont des prières. Et puis, quand tu nous l’as lu, tout à l’heure, les ruptures, les blancs, les interruptions. Au moment où la formule perd son sens, s’épuise, elle change.
CH Oui, ça pourrait poursuivre des heures, mais là n’est pas l’intérêt. Ce qui m’intéressait, avant tout, c’est la relation durée-intensité-espace, oui comment le son devient spatial, comment il circule dans l’espace. Comment il cesse d’un coup, reprend ailleurs, varie. C’est le chant des cigales, et puis, la métaphore, aussi.
AC C’est-à-dire ?
CH Le poète. Le poète comme cigale. Un être inadapté, précaire. Il naît, il chante, il meurt. Il est tout entier dans son chant. L’épuisement, tu l’as dit tout à l’heure…
AC Et puis, il y a l’homophonie, l’incertitude phonique. Tu parlais de durée, de relations spatiales. Il n’y a pas d’extrait ici, mais dans le recueil, il y a cette relation chant-champ.
CH Oui, champ de force aussi, ça m’intéresse beaucoup.
AC À la fin, tu dis, je te cite : <je traverse ce champ, je traverse son étendue, je le parcours, je mesure, non pas ce champ, mais mon travail à sa propre étendue / je fais de ce champ ma propre étendue, je m’étends>. On pourrait, enfin, j’entendais moi : <je traverse ce chant, je traverse son étendue, je le parcours, je mesure, non pas ce chant, mais mon travail à sa propre étendue / je fais de ce chant ma propre étendue, je m’étends>.
CH C’est comme se draper dans sa dignité.
AC Sa dignité ?
CH Oui, la pourpre des sénateurs.
poème 1 2022
courir, juste assez pour ne pas s’écrouler
un coup de couteau dans les reins
île 2022
<ἥδε δ᾽ ὥστ᾿ ὄνου ῥάχις
ἕστηκεν ὕλης ἀγρίης ἐπιστεφής>
᾽Αρχίλοχος ὁ Πάριος
·
on parle d’une île
on, un locuteur, qui ?
on parle depuis une île, on parle depuis l’horizon
on parle d’horizon
c’est une voix
la voix dit : l’île apparaît
l’île est boisée (< avec sa couronne de bois sauvages >)
l’île est surmontée de collines
ces collines, cet horizon de collines est comparé (en tant que comparable) à une échine d’âne
on compare l’âne (l’échine) aux collines (le sommet de l’île), par retour
cette comparaison est éclairante
des ânes broutent dans un pré
ce pré est pentu (de même, ardu, reclus, appendu)
cette pente est un versant de colline
les collines sont en pente
les collines sont versatiles (de surcroît)
les collines se découpent sur le ciel
cette découpe est horizon
c’est l’horizon (quelque chose de couché là-bas)
l’horizon est cette échine d’âne taillée dans la part du ciel
(un morceau de choix)
coupé
pourrissant (cette fois mâchoire, soleil mâché, magma)
un horizon harassé (chiffonné, fourbu)
tanné de lumière, de soleil (de clarté nocturne ?)
(un soleil asinien)
ces collines nous parlent
ce sont elles, cette fois, le locuteur (donc, les locutrices : horizon mamelu)
(polyphonie)
(une colline de soleil)
la colline parle
la forme de la colline est parlante
elle nous parle d’une échine d’âne
elle s’échine à nous parler (quand bien même nous ferions semblant de ne pas entendre)
de quoi ?
(ânonne-t-elle ?)
(serpente-t-elle ?)
(luit-elle au soleil indifférent ?)
de sa forme-échine (âne)
on pourrait parler d’autre chose, mais on parle de ça
on (toujours)
qui ?
ces mêmes locutrices ou d’autres ?
la locutrice colline, ce lieu à partir duquel ça parle
ça parle encore (ça ne cesse jamais de parler)
de quoi ? d’âne, de collines, d’échine, de soleil, de miel, de thym, de grillades
la colline, telle une échine
(d’âne, suspendue)
(peau, pelisse, guenille, loque, pendeloque, etc.)
elle s’élève depuis la mer
on parle depuis une colline qui parle depuis la mer
la mer parle
c’est une langue salée
c’est la langue d’un poète
sa langue est salace
elle n’est pas verte (c’est une verve grise)
une lagune flottant dans la mer des mots
il parle depuis là : le lieu du locuteur (cette île)
une île de mots
une île-absence
une île décrochée d’un continent dont elle n’a plus le souvenir (la mémoire)
qu’elle ignore (qu’elle abhorre)
dont elle ne veut se rappeler
une île apparaissant comme lieu d’énonciation, donc (dénonçant le procès du sujet)
(au plus près)
(localisable, assignable, assujettie)
l’énonciation-apparition
l’apparition de l’île (le lieu), dans le moment de son énonciation (le mot-île)
(conjointement, sa disparition)
le véhicule est l’âne
j’ânonne l’île
grise (somptueux récif dans la mer d’argent [barré])
davantage que verte
avec sa colline dressée (adressée)
contre le ciel
pan (non lumineux, numineux peut-être)
c’est une colline poétique (forme de mots) assise
sur une île tout aussi poétique (échine, vertèbres, dentelures)
où broutent poétiquement des ânes
(gris eux-mêmes, ânonnant l’herbe grise)
c’est un ciel (grisant)
c’est une mer (grisâtre)
c’est un poème (dégrisé)
·
le ciel à cet instant prend une teinte tout à fait sale
la teinte gris-âne
par laquelle l’île disparaît
(ce miracle insulaire)
(ce braiment coloré)
·
j’assiste à la disparition (et non, plus on assiste)
je me tiens sur son bord (je pourrais me tenir ailleurs, sur un pic du darien)
à l’horizon même où elle disparaît (en tant que colline, en tant qu’échine, en tant qu’âne)
j’enregistre le mouvement de sa disparition (le décréé, le désadvenu)
je suis l’horizon (c’est l’horizon qui parle)
je m’absorbe en moi-même (ciel, mer, île, etc., tout s’absorbe)
et, m’absorbant, je disparais comme horizon à mon tour
il n’en reste que des mots
le mot-âne
le mot-île
le mot-colline
le mot-ciel
le mot-on
(le non-mot)
etc., etc.
·
embrun embrun embrun embrume
amère parmi les embruns
·
l’apparition d’une île
la disparition du souvenir
le flux
l’âne
l’oscillation
l’apparition du souvenir
la disparition de l’âne
la colline
le moi
l’énonciation
l’apparition du souvenir
le flux
le vent
l’oscillation
la disparition de l’âne
l’apparition d’une colline
le moi
la fonction d’énonciation
la disparition du souvenir
l’apparition de l’âne
l’oscillation
la colline
les pins
la plage
l’île
sa disparition
·
cette île-temple cette île-soleil cette île-absence cette île-coordonnée
·
j’ordonne en moi les données immédiates de l’île
elles sont conscience
conscience de l’île en moi
solipsisme pur
l’île s’atteint ainsi dans la conscience
à travers elle (par-delà)
·
une ligne qui ondule, osseuse
ou ossifiée (calcification)
échine
(horizon)
sa masse (air, volumes d’air, aérienne, phénomènes gazeux)
son déploiement dans l’espace
sa vision
·
le clap-clap du moteur (sillage, écume, etc.)
·
l’approche
·
conscience de l’île (et île)
le mot-île
la coïncidence
le rapport
la coïncidence comme rapport de l’île au mot
la conscience comme le lieu de ce rapport
je fais advenir le mot-île
il tient dans le langage
avec sa colline boisée
son échine d’âne
·
silhouettant sur la mer
·
plages, prés, pentes
·
·
l’île est un prétexte
·
la métaphore de l’âne est un transport
·
marchandises, transferts, frais de douane, opérations du langage (tangage), transformations
cécité de l’île qui ne se perçoit pas elle-même (ne s’envisage pas plus)
sa forme d’âne (adossée au ciel)
un silence
·
constance de l’île dans son apparition-disparition (bloc d’être)
mouvement des vagues
roulis
·
PRIÈRE
aucun homme est une île aucune île est un homme
aucun homme est une île aucune île est un homme
aucun homme est une île aucune île est un homme
le nom-île le nom-homme
le nom-île le nom-homme
le nom-île le nom-homme
nile nome
nile nome
nile nome
nile nome
·
l’île apparaît
(on pourrait gloser là-dessus, évanescence, etc.)
·
l’île comme moteur de connaissance
(l’âne est le véhicule)
·
échine hirsute par-dessus l’eau
(ligne d’horizon serpentant)
·
rideau de pluie
·
l’île apparaît
(apparition d’une apparition, monde des apparences, modes de l’apparaître)
·
l’île apparaît
(le clap-clap du moteur, ou le floc-floc, ou le ploc-ploc du bateau)
(l’eau)
·
barques de pêcheurs
(le locuteur est le sillage)
·
l’île apparaît
(j’ai depuis longtemps laissé derrière moi l’europe aux anciens parapets)
(je m’avance vers le nouveau)
·
l’île apparaît
(vision courte, stricte, dense)
(vision au ras de l’eau, au ras des pâquerettes, au ras du visible)
·
l’île apparaît
(presqu’île au conditionnel)
·
l’île apparaît
(l’âne est le locuteur, la locution est le moteur, le moteur a des ratés)
·
l’île des morts
l’île mystérieuse
l’île des bienheureux
l’île au trésor
l’île d’ithaque
l’île de verre
l’île déserte
l’île des enfants de khaledan
l’île noire
l’île de sancho
etc.
·
(peau d’âne)
·
l’île finit de s’atteindre, s’achève, termine son périple
l’île est à la croisée des chemins (dessinés sur l’eau, effacés aussitôt)
l’île est dans le clapotis qu’elle fait à elle-même
l’île est un braiment visible à la surface
(horizon échine horizon)
l᾽île est divisible
l’île est sans finalité (aucune), sans visée (propre)
pure apparition
·
l’île est augurale (elle annonce la mort des dieux)
·
l᾽île est graduelle
·
chiffon organique au-dessus du flot (chiffe)
·
l’île est conique
·
l’île est iconique
·
(troncature)
(boisée, rase)
flèche
représentation
je me représente l’apparition de l’île
dressée, redressée, adressée
dernier signe visible sur la mer du rien
je m’adresse à l’île
(je suis le locuteur, qui ?)
je disparais
(qui ?)
·
l’île se prend à son propre jeu et s’exécute
(un jeu de dupe)
·
je disparais
je m’incarne en l’île
(l’île ne peut être moi)
·
impossibilité
désir (infini du désir) rétrospection
rêve
·
matière
·
circonstances
·
ère
·
stances
·
île
·
lune sac aileron axe
succède
l’île apparaît apparition d’une île l’île disparaît disparition d’une île
l’âne est le locuteur l’âne est le véhicule l’âne est le locuteur l’âne est le véhicule
l’âne est le moteur l’île est le véhicule l’âne est le moteur l’île est le véhicule
la métaphore est un transport l’île est le véhicule
la colline est en débord l’île est le véhicule
la métaphore est un transport l’île est le véhicule
la colline est en débord l’île est le véhicule
la métaphore est en débord l’île est le véhicule
la colline est un transport la colline est le véhicule
la métaphore de l’île excède l’île (déborde)
l’île est transportée en découvrant la métaphore (joie)
le locuteur est dans la métaphore comme lieu
vecteur
·
la métaphore est la locutrice elle parle d’elle-même à la troisième personne en ce qu’elle n’est pas
(sinon désir)
(raffinement du désir, pétrole, etc.)
·
l’île est magique
cette apparition-disparition est un tour de passe-passe (méta mor phose) (digression)
compter
décompter
(cartes, apparitions, etc. < cette île n’apparaît sur aucune carte > ai-je écrit quelque part)
fortune, roue de la fortune, île au trésor
·
transposition
mimer l’apparition, levée de visible (à partir d’où ?)
(de la mer, de l’invisible, du néant, de la conscience)
(la lever sur quoi ?)
(sur la mer, sur l’invisible, sur le néant, sur la conscience, sur le nez de dieu)
·
courbure du temps, parallèle à la courbure de l’horizon
·
l’île (le rêve d’une île)
levant
couchant
vague
pluie
rochers
bleus
·
courbure du dos de l’âne (son échine)
il broute
(ne pas oublier la ligne serpentine)
(elle s’échine à serpenter = son mode d’être)
·
la pente
·
la pente est broutée par l’âne
non en tant que pente
mais en tant que support d’herbe pentu
les arbres, le gris
(le brun en vérité) (velléités) (coloration)
·
l’âne
grenu, égrené, égrenant (cassant la graine dans l᾽herbe grise)
grenier
·
(grenier à blé, meule, farine, roue, âne, roue de la fortune, pense-bête)
·
l’âne épelle (il n’ânonne pas)
(saumure d᾽âne, au passage d᾽un fleuve)
·
·
·
dissolution dans le possible (formes, masses, couleurs, contours, événements)
le reste
laissé à l᾽impossible
cependant
·
·
dans l᾽abécédaire, l᾽âne ouvre la marche et le zèbre la referme
AC / PD interview-minute
AC Bonjour Philippe, c’est d’abord ton poème qui a déterminé, sinon la thématique de ce premier numéro (en a-t-il vraiment une ?), du moins de le placer sous le patronage d’Archiloque.
PD Le dieu tutélaire ! En réalité, c’est presque un poème à quatre mains, puisque Claude, d’une certaine manière, y a participé (le poème en porte la marque !). C’est un travail collectif. Je suis très heureux de découvrir aujourd’hui sa traduction, brillante à mon sens, du fragment à partir duquel ce poème a été conçu.
AC Tu peux nous en dire un peu plus ?
PD C’est Claude qui m’a fait découvrir Archiloque. Je connaissais un peu Alcée, un peu Sappho, Homère, Hésiode. Je veux dire, pour les anciens. Dès que je l’ai lu et que je suis tombé sur ces vers extraits des Trimètres, j’ai été frappé, par cette image, l’île, l’échine d’âne, cette comparaison. Je marche beaucoup, un peu comme Kant, je crois (je ne sais pas si cela participait à l’écriture de ses livres). Là où je vis, il y a des collines, des ânes aussi (c’est la campagne, on en voit de plus en plus !). Tout cet hiver, en marchant, je regardais les collines tristes, avec leurs arbres nus, dépenaillés, et il m’était impossible de ne pas songer à cette image, elle se rappelait à moi tout le temps (c’est ce qu’on dit de la Sainte-Victoire et de Cézanne, on ne peut penser à l’un sans penser à l’autre). Alors j’ai écrit ce poème, un peu en marchant d’ailleurs. Un poème-souffle, comme dit Claude.
AC Tu veux rajouter quelque chose à ce mini interview ?
PD Oui, c’est une parole soufi, je crois. Elle dit que le seul respect que nous pouvons avoir pour les anciens, c’est d’ouvrir leurs tombes et de dépoussiérer leurs os. À ce sujet, la traduction que vient d’effectuer Claude me semble des plus respectueuses.
poème 2 2022
PAUL VALÉRY – matin du 15 mars
devant le musée / des cyprès massifs / taillés en colonnes doriques / (comme les arbres / les pierres) / temple infatigable / élevé à quelque divinité ? / OÙ / L’ESPRIT peut-être /mur denticulé de chapelles / IDOLES / et cet incipit / RIEN DE BEAU NE PEUT SE RÉSUMER
*
un fourgon arrive et décharge son contingent d’immigrés
des Africains ici
ils se rendent sur leur chantier
parmi les villas splendides
du mont Saint-Clair
la misère et l’aventure 2022
Il se nommait Archiloque. Il naquit à Paros, un bloc de marbre étincelant de la mer Égée. Il était le fils de Télésiclès, un aristocrate, et d’Énipo, qui était esclave. Il était bâtard ; à ce titre, il fut exclu de l’héritage. Il était pauvre. Il dut s’expatrier ; en amour, il ne fut pas plus heureux. Il aimait Néoboulé, la fille de Lycambe. Il se fiança ; les fiançailles furent rompues. Il en conçut toute sa vie une violente amertume. Il se répandit en injures et calomnies, telles <putain obèse> et <courtisane défraîchie>. Il fut qualifié d’ <Archiloque l’insulteur> par Pindare. Il arriva à Thasos, l’île boisée, poussé à l’exil par la misère ou les manœuvres politiques. Il n’aimait pas les figues, surtout celles de Paros qui sont tristes et peu goûteuses. Il accompagna les Thasiens dans leurs campagnes de Thrace, où il perdit d’ailleurs son bouclier. Il défendit de nombreuses fois sa nouvelle cité. Il était combatif. Il reprit la mer, invitant ses concitoyens à le suivre. Il voulait fonder une colonie plus équitable. Il se fit mercenaire. Il courut les mers et les pays. Il se battit contre des Eubéens qui n’usaient ni d’arcs ni de frondes mais préféraient l’épée et <sa besogne gémissante>. Il visita Sparte, comme la grande Grèce ; de la première, il fut ignominieusement chassé (bien que cela, rien ne l’atteste). Il mourut les armes à la main, sous les coups d’un Naxien qui s’appelait Corax, funeste présage !